L’inspiration à la frontière de la créativité et du savoir-faire

Chapitre 1 | 3min

L’important, c’est de créer. Essayer, naïvement de laisser une trace. Gagner juste assez pour se libérer l’esprit et profiter de sa liberté. Un jour tout s’arrêtera ; alors je voudrais pouvoir me retourner et dire « j’ai fait ça ! »


J’avais à peine purgé cette frustration de longue date, celle de ne pas être assis dans un bureau, mais debout dans un atelier. Que déjà ma vie d’artisan s’arrête. Je venais de comprendre : Concept et Savoir-faire sont complémentaires, et je​ ne pourrai me restreindre à un seul. 

Le 14 octobre 2020, je rencontre pour la première fois Stephan Lanez. Au Studio, 8 Passage de la Bonne graine. Pour qu’il me raconte sa vie d’architecte et designer entrepreneur. Nous nous connaissions de loin. J’arrive dans cette caverne, pleine de livres, maquettes, bouteilles et synthétiseurs analogiques.

Il y a ce trait commun aux ingénieurs et aux artisans : souvent ils confondent challenge technique et intérêt esthétique. C’était clairement mon cas. Mais je trouvais qu’il y avait aussi cette propension des designers à croire qu’ils peuvent gérer l’esthétique, la fonctionnalité, l’ergonomie, la technique et la production.

livres et bibelots du Studio passage de la bonne graine

Quelques nuits plus tôt, peut-être par hasard et en bon ancien consultant, j’avais fait un business plan détaillé pour un trône pliant. Tout ça partait d’une plaisanterie un vendredi plus inspiré par la fête en prévision que par la production. « Dans les clips de rap il y a toujours des chaises de camping à 14 euros. Mais ils veulent tous être le roi de la cité. Il faudrait leur faire une trône pliant! ». Je sors mon PowerPoint ringard et Stephan m’avoue avoir dans ses tiroirs une chaise de camping revisitée super luxueuse.

Nous avons vraiment deux approches créatives différentes et nous l’avons tout de suite perçu comme une complémentarité. Stephan a un sens esthétique impressionnant. Chaque ligne de ses dessins apparait comme une évidence. De mon côté je suis passionné par la technique et les procédés de fabrication. Je peux prototyper à peu près n’importe quoi. Combiner les deux sera notre force. C'est grâce à cette collaboration que nous pourrons créer des objets originaux, innovants, fonctionnels…

la plaque à Paris du pasasge de la bonne graine


Très vite nous sommes d’accord sur la méthode et sur nos objectifs : « fabriquer un produit cool dont on est fier, construire une marque, le tout de façon ambitieuse et sans se priver d’être original. Parce que s’il y a une chose dont je suis certain c’est qu’il faut que ce soit amusant et que l’on sache pourquoi on bosse. Cela ne peut évidemment fonctionner qu’avec un modèle économique sérieux et des projections financières positives. Pour moi, L’important, c’est de créer. Essayer, naïvement de laisser une trace. Gagner juste assez pour se libérer l’esprit et profiter de sa liberté. Un jour tout s’arrêtera ; alors je voudrais pouvoir me retourner et dire « j’ai fait ça ! » »

J’avais envie de partir de zéro, peut-être un peu par fierté, mais surtout pour penser long terme. Ce qui dans mon cas veut dire essayer, à mon échelle, de participer à l’amélioration de nos habitudes de consommation. Il n’est pas question, de devoir dans 5 ans justifier dans un manifeste nos produits et démarches. Nous allons dès le premier jour fixer les objectifs, des contraintes, et nous y tenir. Nous travaillerons en France, ce devra être confortable, restaurable, et ne pas contenir de plastiques, parce que l’image de l’hippocampe sur un coton-tige est insupportable.


Infographie des 5 objectifs produit et personnel MaËrl

Tout est à réinventer, Mon idole Bruno Latour parlait des transitions comme d’une opportunité, Toute initiative est bonne à prendre, Grâce à lui, je crois volontiers que l’art, le design et le partage d’une esthétique commune participeront aux évolutions culturelles qui s’imposeront à nous. 

À ce moment là, nous savions déjà, notre premier dessin sera le fer de lance de notre marque. Je me souviens lui demander combien de temps est nécessaire pour développer un fauteuil, il m’avait répondu : « ça prend en tout à peu près 3 ans, 2 ans si on ne fait que ça ». Je regarde ma montre et lui dit : « laisse moi jusqu’à la fin de l’année pour trouver comment plier un fauteuil. On se revoit début janvier. »

Le 14 Octobre au soir, dans mon esprit tout est très clair. À partir d’aujourd’hui je serai créateur de mobilier. Et je partagerai cette aventure avec Stephan. Nous ferons des fauteuils dont nous serons fiers. Et nous commencerons par créer un fauteuil pliant. Parce que c’est un challenge qui nous plaît.


22 Février 2023. Martin Rolland

dans Journal

Construire l'aventure à plusieurs, faire des rencontres qui sortent de l’ordinaire.
Chapitre 4 | 3min